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continuer de sa personne le frottement des glaciers disparus. En pratique, c’est fort désagréable.

Dès le seuil de l’hospice, voici le papa Zippach qui nous accueille, qui nous serre dans ses bras, le tout en haut allemand. Ce brave homme est le même que l’an passé, le même qu’il y a dix ans, et ses mollets, arrondis aussi, n’ont rien perdu de leur colossale ampleur. Il nous apprend que M. Agassiz justement et tous ses compagnons ont quitté ces jours-ci le glacier de l’Aar, où nous avions compté les aller visiter, et cette nouvelle met à néant l’un de nos plus jolis projets. Avant de quitter leur hôtel, quelques-uns de ces messieurs ont été planter un drapeau sur la pointe du Finsteraarhorn, mais, même avec le secours de notre lunette, nous ne parvenons pas à l’apercevoir, tandis qu’à l’œil nu, cette fois, nous voyons un chamois privé qui s’en va tout vulgairement paître avec un troupeau de chèvres. La vue de cet animal ainsi détourné de ses instincts et comme fait à l’esclavage provoque un sentiment de compassion et de mécompte tout à la fois. Mais patience, comme tous ceux de ses pareils qu’on a ainsi ravis à leurs solitudes et séparés de leurs frères, ou bien il refusera de vivre dans la prison qu’on lui aura donnée, ou bien, quelque beau matin, il prendra la venelle et disparaîtra parmi les rochers.