Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/387

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averses de temps en temps, vivent les rincées bien complètes, sans espoir ! vivent le quatrième, le cinquième seau ! Après avoir été éparpillés par la tempête, on se retrouve autour du foyer, on jase, on se réchauffe, on se repose tout à la fois ; et certainement plus d’animation qu’à l’ordinaire, plus de commune et expansive joie circule parmi la troupe. Aussi quand, remontant la pente des années, nous cherchons dans un moment de tristesse à y cueillir un joli souvenir, il se trouve bien souvent que c’est à une horrible rincée que nous nous arrêtons.

Après souper, quelques-uns, selon leur habitude, demeurent dans la salle à manger. Entre d’abord un grand nono qui crie avec colère au sommelier : « Gaaçon, du beurre, du suker, des ufs, tute ! » Après quoi il se tait pour vingt-quatre heures. Entre ensuite cette famille anglaise que nous avons déjà rencontrée à l’hospice du grand Saint-Bernard. Dames et monsieur nous saluent avec affabilité, puis, se mettant à table, le jeune officier se fait déboucher une bouteille de vin de la Côte, porte à ses lèvres la liqueur, et tout aussitôt :

— Il y avè du sel dans cette vine.

— Du sel ! s’écrie le sommelier.

— Ni, il y avè du sel beaucoup.

— Impossible, monsieur.

— Je dise à vos qu’il y avè du sel, entendez-vos !… Et appootez iune auter, tute suite ! tute !

Et un moment après : « Gaaçon ! quel temps il faisé démain ? »

Le sommelier comprend apparemment que cette fois il est placé de manière à prendre sa revanche : « Si le soleil donne, il fera beau, » répond-il ; et l’entretien en reste là.