Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/422

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brave homme, pour boire un coup à notre santé. — On n’y manquera pas, mes bons messieurs, et, en attendant, que le bon Dieu vous protège ! « 

À vrai dire, les philosophes de profession sont dans les villes. Ils y font des livres, ils y donnent des cours, ils y prouvent la morale et ils y enseignent le souverain bien. Mais les philosophes pratiques sont dans les vallées, dans les montagnes : ils y taillent des ceps, ils y relient des gerbes, ils y mesurent du charbon et y retapent leurs culottes.

Sur ces entrefaites, quelques traînards ayant voulu, comme au temps de l’âge d’or, détacher d’un cep bienfaisant des raisins plus doux que le miel, afin d’en rafraîchir leur gorge altérée… tout à coup sort de terre le garde champêtre, qui ne leur laisse que le choix de payer dix sous par tête ou de subir le rafraîchissement d’un procès-verbal. Ces messieurs préfèrent payer, et ils s’exécutent sur l’heure. Le garde champêtre alors les accompagne poliment, et l’on remarque qu’il ne prend congé d’eux qu’à l’endroit où finissent les vignes.

Près de l’Hôpital, nous rencontrons des soldats que l’on mène par régiment se laver les pieds à la rivière. Ceci rappelle Figaro, qui rasait, qui purgeait par régiment aussi, et rien ne semble aussi drôlement niais que de voir ces grandes files d’hommes, et non pas de moutons, qui ont abdiqué en faveur d’un caporal leur droit imprescriptible de ne pas se laver