Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/45

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frétons deux gros bateaux, et nous cinglons vers une anse ombragée, qui est le port du couvent.

Hautecombe est à la fois un couvent et une résidence royale ; mais considéré sous ces deux rapports, il est peu remarquable. Le palais n’offre guère plus de magnificence qu’une maison de riche particulier, et le couvent ne contient que quelques bons pères tout occupés des soins de leur cuisine, ce qui n’est ni bien rare ni bien curieux. Nous y sommes introduits par une sorte de portier-sacristain qui, je ne sais pourquoi, donne de l’air à Fontenelle, quand il vivait, ou à tel autre académicien propret et coiffé en ailes de pigeon. Ce petit homme s’exprime précieusement, et date toutes choses de la première, de la seconde visite de son roi à Hautecombe. D’abord froid et hautain, il nous surveille plus qu’il ne nous fait les honneurs, jusqu’à ce qu’ayant cru s’apercevoir que nous connaissons l’usage des bonnes mains, il passe par degrés à une politesse exquise et à un empressement flatteur. Prévenances, courtoisies, familiarités protectrices, rien n’y manque ; puis, quand la pièce est lâchée, le masque tombe, la comédie finit, et l’on retrouve le sacristain rogue et bouffi.

Mais comme site, et comme site à couvent, Hautecombe est au contraire un lieu remarquable, soit à cause de la coupe pittoresque du roc sur lequel les bâtiments sont assis, soit à cause de l’admirable aspect que présentent