Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/453

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Plus loin, ces messieurs accostent un passant : « Camarade, où est le plateau de Rivoli ? — C’est ici, mes bons messieurs. Voici ousque s’est livrée la bataille, ousque les Autrichiens furent enfoncés, ousque Masséna… » et tous les ousques possibles. Nous apprenons plus tard que ce brave homme nous montrait à gauche le plateau qui se trouve être à droite. Mais c’est ainsi, dit-on, qu’on écrit l’histoire.

Enfin nous apercevons les dômes de la capitale. Avant d’entrer nous mettons nos gants, nous dépoudrons nos chaussures, puis, après avoir exhibé à la porte, nous passons outre. Un estafier conduit la longue bande le long des longs trottoirs d’une rue interminable ; et gens de se retourner, et courtauds d’accourir sur le seuil de leurs comptoirs, et chacun de conjecturer ce que peuvent bien être ces peuples nouveaux qui descendent des Alpes coiffés de paille et vêtus de toile. Un moment après, frais, parés, lustrés, méconnaissables, nous repasserons le long de ces mêmes trottoirs, et l’histoire alors, pour tous ces oisifs de rue ou de boutique, ce sera de savoir si nous sommes bien ceux qu’on a vus passer tout à l’heure ; en sorte que nous assisterons sans y prendre part à une discussion très-animée sur l’identité de nos personnes.

Avant tout, pourtant, nous descendons la belle rue du Pô, qui est le miracle symétrique de cette capitale au cordeau. Vive le cordeau ! et vive la symétrie ! Sans eux Turin serait, comme Milan, comme Venise, un assemblage de constructions variées, dont chacune a son air, sa physionomie ; dont l’ensemble sans régularité est rempli cependant de pittoresque