Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/462

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face apoplectique, nez africain, cheveux laineux, très-farceur du reste, et qui mène son monde comme il mène ses chevaux. Valet lorsqu’on fait ce qu’il veut, brutal lorsqu’on gêne ses plans, il se comporte ainsi jusqu’au troisième jour, où, pour s’assurer une ample bonne-main, il fait alors tout ce qu’on désire et tout ce qu’on ne désire pas avec la plus embarrassante complaisance.

Les environs de Turin sont charmants, frais, boisés, mais ce joli pays ne tarde pas à aboutir à d’immenses plaines rases sans habitations et sans ombrages. Pays de culture, comme on dit, pays riche, mais pays ingrat à voir. Terre à briques, arbustes rabougris, et rien qui varie l’aspect monotone d’un plan horizon, si ce n’est les tourbillons de poussière que soulèvent nos voitures.

Dans l’une des voitures, M. R*** fait des prodiges de sorcellerie avec un simple jeu de cartes ; ceux qui ne jouent pas lisent Babbage, c’est un Anglais qui a écrit sur les machines ; Schöeller compare scrupuleusement le pays avec ce qu’en dit son itinéraire : les trois jours y sont décrits en trois lignes. Dans l’autre voiture, Oudi raconte son passage du nouveau monde à l’ancien, il dit les prouesses des baleines, les singularités des requins, et combien lui, qui n’avait que deux ans alors, fut émerveillé des choses incomparables qu’il lui arriva de voir. Ensuite il dépeint la grande guerre des sauvages, l’anthropographie des habitants, la plume du chef, et le tout à New-ork, quelquefois au milieu de l’eau, le plus souvent dans