Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/465

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une contrée incertaine qui n’est d’aucun côté. Interrogé où est le nord, le voyageur Oudi prétend qu’il est en haut, droit au-dessus de l’impériale, et le midi à côté. Pour l’est, il n’y est pas dans ce moment.

À Poyrino on réveille M. Töpffer pour qu’il ait à commander le déjeuner. M. Töpffer des bras du sommeil tombe dans les bras d’un hôte futé qui lui intente des propositions ruineuses auxquelles il oppose une résistance trés-molle. Finalement il conclut le traité de Poyrino, l’un des plus désastreux qui se soient vus. Mais qui pourrait s’en étonner ? D’une part la cupidité bien éveillée, et tenant en main un grand couteau de cuisine… de l’autre, la candeur somnolente, l’ingénuité rêveuse. Néanmoins le déjeuner est copieux, excellent, et cela rachète bien des fautes.

Pour le dessert, l’on s’en va sur la grande place de Poyrino, où se vendent d’admirables marrons ; alors Oudi et David, se constituant émissaires et entremetteurs, vont, viennent, des platanes à l’ombre desquels nous sommes assis jusqu’à la vendeuse établie tout là-bas, le dos au soleil et la face à la braise. Mais ils ne s’y prennent pas tant bien ; David part bien la casquette pleine, mais il arrive la casquette vide. De jeunes Poyriniens ont profité de la chose. Pour Oudi, il a mis la denrée au fond d’un long bonnet de soie qui traîne à terre, se perce, s’allège : de jeunes Poyriniens encore ne laissent rien se perdre, et c’est ainsi que nous semons sur nos pas l’abondance et la paix. Cependant le cocher nous avise qu’il faut partir ; et tout à l’heure nous revoici dans la plaine rase jusqu’à Asti, où nous arrivons de nuit.