Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/49

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Tout à l’heure il lève les yeux, salue, sourit et entame d’élégants propos. « Ces messieurs ont dû éprouver des jouissances, car le pays est grotesque et bien orienté, et le lac point tempétueux. Je vous l’avais dit ; mais cet homme était un tailleur !! Quant à moi, j’ai passé par les montagnes, et me voici ! » M. Jabot nous récite alors son itinéraire, il revise le nôtre, et au moment où il a acquis le dernier degré de fini et de précieux, nous prenons congé, car les ânes sont à la porte, qui veulent partir.

À Aix, on trouve une grande quantité de ces animaux qui sont dressés à voiturer les cacochymes d’une place à l’autre. Pulmonaires, paralytiques, manchots, boiteux sont hissés dessus et conduits dans les environs par un petit bonhomme dont la grosse santé, bien qu’habillée de haillons et cachée sous la crasse, doit souvent leur faire envie. Dès que le bruit s’est répandu de ces ânes, voici Hermann qui a mal au pied, Pierre qui souffre du mollet, toute la caravane qui boite. On loue donc tout ce qu’on en peut trouver, et c’est une cavalerie générale. Toutefois certains ne disposent que d’un roussin entre deux, ce qui est cause que les lettrés de la troupe leur appliquent ce vers connu d’une fable admirable :

Le plus ânes des trois, etc.