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Apennin, tout ruisselant de sueur, d’infortune, de peine perdue, et pas un bel arbre pour y faire une halte indéfinie !

Durant toute cette matinée, pas une seule embarcation n’est en vue ; en même temps le pays devient solitaire, rocailleux et sauvage. Nous déjeunons à Finale ; c’est un gros bourg adossé à un promontoire nu et escarpé. Le repas nous est servi par un grand bavard qui cherche à exploiter notre sensibilité en nous contant avec emphase son grand naufrage en Afrique, d’où il s’est sauvé lui tout seul et un petit chien qu’il va nous chercher. C’est au surplus un de ces empressés comme on en rencontre partout, qui, sans bouger beaucoup, se donnent l’air de tout faire, qui arrivent tout essoufflés de l’antichambre où ils étaient à jaser, qui, s’ils apportent un pain, s’essuient le front, deux pains, s’en vont changer de linge. « Sans mon naufrage, dit-il, qui m’a laissé nu comme la main, pas deux heures je ne resterais dans une condition si laborieuse, où pour refaire ma fortune, élever mon frère, soutenir ma mère, je n’ai que les bonnes-mains de messieurs les étrangers ! » À côté de notre renard de Gênes, celui-ci nous paraît sot et peu amusant. Un effronté peut faire rire, un pleutre inspire toujours du dégoût. Cependant le particulier Oudi est sur la place publique, où il admoneste les Finaliens, et leur prouve