Page:Topffer - Nouveaux voyages en zigzag Grande Chartreuse, 1854.djvu/70

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Chartreux s’approche, ouvre sans mot dire, et nous précède, au travers d’une grande cour, jusqu’à la porte du monastère, où il nous remet aux mains du père dom Étienne. Le père dom Étienne, jeune encore, est un Chartreux qui a été délié de son vœu de silence, aux fins qu’il puisse recevoir les étrangers. Il nous conduit, au travers de longs corridors déserts, dans une grande salle obscure, et après nous avoir fait rafraîchir, il nous distribue nos cellules.

Ceux qui aiment à se replacer dans les âges passés et à revivre quelques moments dans un autre siècle, en se transportant dans ce séjour goûteront l’illusion tout entière. La Chartreuse est un débris complet du moyen âge, un débris non restauré, non replâtré, où rien de moderne ne rompt l’harmonie d’un ensemble tout monastique, où tout se passe comme il y a quatre, comme il y a huit siècles. Certes, après la révolution, après Bonaparte, après mil huit cent trente, et en France, dans le pays même de la mobilité, du changement, cette rencontre est inopinée, et c’est d’ailleurs un spectacle au moins curieux que celui de cette petite société d’hommes qui, fidèles aux traditions de l’ordre de saint Bruno, et renonçant à des chances de fortune ou à des avantages de position, viennent s’ensevelir dans cette retraite pour y achever entre les quatre murs d’une cellule la somme entière de leurs jours. Hélas ! les joies de ce monde sont si fra-