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fois là, j’ai éprouvé que j’y suis pour longtemps.

La fenêtre ! c’est le vrai passe-temps d’un étudiant ; j’entends d’un étudiant appliqué, je veux dire qui ne hante ni les cafés ni les vauriens. Oh ! le brave jeune homme ! il fait l’espoir de ses parents, qui le savent rangé, sédentaire ; et ses professeurs, ne le voyant ni fréquenter les promenades, ni cavalcader dans les places, ni jouer aux tables d’écarté, se plaisent à dire qu’il ira loin, ce jeune homme-là. En attendant, lui ne bouge de sa fenêtre.

Lui… c’est donc moi, modestie à part. J’y passe mes journées, et si j’osais dire… Non, jamais mes professeurs, jamais Grotius, Puffendorf, ne m’ont donné le centième de l’instruction que je hume de là, rien qu’à regarder dans la rue.




Toutefois, ici comme ailleurs, on va par degrés. C’est d’abord simple flânerie récréative. On regarde en l’air, on fixe un fétu, on souffle une plume, on considère une toile d’araignée, ou l’on crache sur un certain pavé. Ces choses-là consument des heures entières, en raison de leur importance.

Je ne plaisante pas. Imaginez-vous un homme qui n’ait jamais passé par là. Qu’est-il ? que peut-il être ? Une sotte créature, toute matérielle et positive, sans pensée, sans poésie, qui descend la pente de la vie sans jamais s’arrêter, dévier du chemin, regarder alentour, ou se lancer au delà. C’est un automate qui chemine de la vie à la mort, comme une machine à vapeur de Liverpool à Manchester.

Oui, la flânerie est chose nécessaire au moins une fois dans la vie, mais surtout à dix-huit ans, au sortir des