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lumières encore ; car, par nature, ne pouvait flotter entre toutes, et surtout entre les contraires, le voilà qui, tout en fixant un fétu, compare, choisit, et se fait savant à vue d’œil.

Et quelle charmante manière de travailler, que cette manière de perdre son temps !




Mais, quoiqu’à la rigueur un fétu suffise pour flâner avec avantage, je dois dire que je ne m’en tiens pas là ; car ma fenêtre embrasse un admirable ensemble d’objets.

En face, c’est l’Hôpital, immense bâtiment où rien n’entre, d’où rien ne sort, qui ne me paye tribut. Je suis les intentions, je devine les causes, ou je perce les conséquences. Et je me trompe peu ; car, interrogeant la physionomie du portier à chaque cas nouveau, j’y lis mille choses curieuses sur les gens. Rien ne marque mieux les nuances sociales que la figure d’un portier. C’est un miroir admirable où se viennent peindre, dans tous leurs degrés, le respect rampant, l’obséquiosité protectrice, ou le dédain brutal, selon qu’il réfléchit le riche directeur, l’employé subalterne, ou le pauvre enfant trouvé : miroir changeant, mais fidèle.




Vis-à-vis de ma fenêtre, un peu plus haut, est celle d’une des salles de l’hôpital. De la place où je travaille, je vois l’obscur plafond, quelquefois le sinistre infirmier, le nez contre les vitres, regardant dans la rue. Que si je monte sur la table, alors mes yeux plongent dans ce triste séjour, où la douleur, l’agonie et la mort ont étendu leurs victimes sur deux longues files de lits. Spectacle funèbre, où souvent néanmoins m’attire un