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sur mes livres, témoignaient du plaisir merveilleux que je trouvais dès lors à imiter moi-même ; et je me souviens que, durant les longues heures de l’étude, je griffonnais avec délices les images charmantes que présentaient à mon imagination quelques vers de Virgile, souvent mal ou à peine compris. Je fis Didon ; je fis Iarbas ; je fis Vénus elle-même :


Virginis os habitumque gerens, et virginis arma
Spartanæ : vel qualis equos Threissa fatigat
Harpalyce, volucremque fugâ prævertitur Eurum.
Namque humeris de more habilem suspenderat arcum
Venatrix, dederatque comam diffundere ventis,
Nuda genu, modoque sinus collecta fluentes.




Mon oncle Tom avait d’abord souri à mes griffonnages ; mais, plus tard, il avait cessé d’encourager un goût qui me détournait de mes études. Toutefois, lorsque le dimanche soir il me menait promener autour des treilles, il alimentait, sans le savoir, ce goût qu’il voulait combattre. Sous ces feuillages je retrouvais les jeux charmants de l’ombre et de la lumière ; des groupes animés, pittoresques ; et cette figure humaine où se peignent, sous mille traits, la joie, l’ivresse, la paix, les longs soucis, l’enfantine gaieté ou la pudique réserve. Aussi, comme lui, j’aimais ces promenades ; mais nous n’y cherchions pas les mêmes plaisirs. Cependant, depuis qu’aux Iarbas et aux Didon eurent succédé peu à peu, sur mes cahiers, des figures plus vulgaires, mais plus vraies, ces promenades cessèrent.

Alors mon bon oncle, contre son penchant et malgré son grand âge, me mena sur ses pas loin de la ville, dans les campagnes éloignées, quelquefois jusqu’à ces