Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/245

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

mouvement autour d’eux ; une femme qui les adore…

Une femme qui m’adorerait un an, deux ans, passe encore. Mais si elle allait m’adorer trente ans, quarante ans ! Voilà ce qui me glace d’effroi. Quarante ans adoré ! Que ce doit être long, interminable ! Et puis, des enfants qui crient, pleurent, disputent, chevauchent sur des bâtons, renversent des meubles, se mouchent de travers, s’essuient mal… Et pour toute compensation, leur former l’esprit et le cœur avec mon tableau chronologique de l’histoire universelle des peuples ! Ah ! il faut beaucoup réfléchir avant de se marier, sans compter mon polype au cœur.

J’ai pourtant des vues sur une jeune personne qui me conviendrait à tous égards. Figure agréable, jolie fortune : nos caractères se conviennent. Mais elle a cinq tantes, père, mère, deux oncles : en tout onze à douze grands parents. Depuis qu’on parle de ce mariage, tout ça me prévient, me sourit, me caresse, m’épouse ; c’est à périr d’ennui. Je leur bâille contre ; ils redoublent. Alors je sens positivement que mon amour chancelle, et que je reste garçon.

Cependant, comme les cœurs sensibles ont un impérieux besoin d’affections tendres, le mien s’est porté d’un autre côté. Je sens très-distinctement que j’adore une autre jeune personne que j’avais primitivement dédaignée, pour ne pas nourrir deux flammes à la fois. Celle-ci a un profil si fin, des yeux si beaux, et un esprit si aimable et naturel, qu’il est impossible de ne pas l’aimer ; et point de grands parents. C’est ce qui fait que je deviens de jour en jour plus fou de ses attraits et d’une fortune disponible.

Il n’y a qu’une chose, c’est que pas un autre que moi ne lui fait la cour. Cela finit par être cause que je me