Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/247

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réelle commençaient à me transporter ; je songeais déjà à des démarches positives pour le lendemain ; et pas même le regard visiblement approbateur de mon parrain ne pouvait refroidir ma flamme.

Bien qu’elle ne parlât que des choses du bal, je lui trouvai un esprit délicieux, et d’autant plus qu’elle se contentait de sourire très-petitement à toutes mes saillies. J’ai beaucoup d’esprit quand je veux. Probablement, pensais-je, elle en a autant que moi. Chose inappréciable ! Ainsi nos entretiens seront piquants ; qu’elle parle ou qu’elle se taise, il y aura à penser, à deviner, à goûter infiniment de charme. Tout en songeant ainsi, je l’enlevais dans le tourbillon de la russe, avec un enivrement que je n’avais pas encore ressenti. Il me semblait tenir dans mes bras un céleste assemblage de beauté, d’esprit, de sentiment ; et son corsage de satin, mollement pressé sous mes doigts, mêlait comme de voluptueux parfums à mon charmant délire.

J’étais décidé, absolument décidé, et d’ailleurs las d’être indécis, lorsqu’en sortant je trouve mon parrain qui m’attend : « Eh bien, t’y voici enfin venu ! Bien fait, car elle t’adore ! — Vrai ? — Un mot, et tu as son oui. La famille te trouve charmant, tous te veulent. — En êtes-vous donc sûr ? lui dis-je désappointé. — Lui, s’approchant de mon oreille : Il est déjà question d’un appartement qui plairait à la jeune personne. Hem ! je te dis que tu es né coiffé. Laisse-moi faire… » À mesure que mon parrain me parlait, l’enivrement s’en allait, le céleste assemblage aussi, et le corsage avec. J’y veux, lui dis-je froidement, j’y veux réfléchir. » Et je n’y pensai plus.

C’est ainsi que je me retrouve presque aussi incertain qu’auparavant… Qu’est-ce encore ?