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les années, je me peignais une félicité riante, à laquelle je faisais concourir mille charmants projets. Au milieu de ces songes, mes yeux vinrent à tomber sur un billet à mon adresse, que, dans ma préoccupation, je n’avais pas remarqué, bien qu’il fût déposé en face de moi, sur la cheminée.

À l’adresse, je reconnus aussitôt l’écriture de mon parrain, et je sonnai : Quand est venue cette lettre ? dis-je à Jacques. — Pendant que monsieur vient de sortir ; mêmement qu’il y a une réponse, qu’ils ont dit. — C’est bon. J’ouvris la lettre avec un médiocre empressement ; la voici :


« Mon cher Édouard,

« Je veux bien tout oublier. En te quittant, j’ai su ta fredaine, et que ton manteau y est resté. J’ai aussitôt agi auprès de qui de droit, et étouffé le bruit qui commençait à se répandre vigoureusement. Le plus pressé était d’amadouer monsieur le pasteur Latour, parent de ta future, et j’y suis parvenu. Rien n’est gâté.

« Une fois que tu as avili cette fille, je pense que tout est dit de ce côté. Tu leur dois quelque dédommagement, et je m’en charge. Mais plus d’incertitude ni de délais. Nous terminons demain, et à ce prix (tu n’es pas bien à plaindre) tu retrouves l’héritage et l’amitié de ton affectionné parrain. »

La lecture de cette lettre me livra au plus violent emportement, et j’éclatai en insultes contre mon parrain, qui se dévoilait à moi comme un être sans cœur et sans moralité, dont la cynique parole profanait tout ce que je regardais comme pur et sacré. Je pris aussitôt la plume, et j’écrivis une réponse dont l’impétuosité mé-