Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/321

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cria-t-il soudain, et comme surpris en voyant l’état du ciel. La trombe, en effet, semblable à une immense colonne, s’avançait obliquement, et déjà sa partie supérieure, surplombant sur la place où nous étions, nous masquait les sommités des Fiz à notre gauche.

La petite goutte de liqueur avait un peu ranimé nos forces ; nous commençâmes à descendre. Mais, dès les premiers pas, il se présenta des obstacles insurmontables. La neige, sur ce revers abrité contre le vent froid qui régnait de l’autre côté, était amollie ; nous y enfoncions jusqu’à la ceinture. Bientôt les robes de la jeune miss entièrement détrempées par le contact de cette neige, en se collant à ses jambes, la glaçaient de froid et empêchaient d’ailleurs tous ses mouvements. À chaque moment elle se trouvait arrêtée, sans que je pusse, vu la nature de l’obstacle, la soulager en rien. Le guide s’en aperçut, et aussitôt s’apostrophant lui-même : — Bête que tu es !… c’est en haut qu’il fallait parler. Pardi ! il faut que mamselle fasse comme les femmes du pays, de ses jupes une culotte !… La situation, depuis quelques heures, avait bien changé. Aussi la jeune Anglaise, non sans embarras, à la vérité, mais cette fois sans fausse pruderie, mit la main à l’œuvre ; et, ramenant par derrière l’extrémité antérieure de sa robe, elle l’y fixa avec une épingle, se faisant ainsi une sorte de pantalon bouffant, qui lui permît de faire quelque espace de chemin avec plus d’aisance.

Pour milord, le soin de sa fille le préoccupait tout entier. — Oblidgé ! me disait-il à chaque pas, oblidgé ! Mon Dieu ! mon Dieu ! guide, été-ce encore longtemps comme cela ? — Tenez, lui repartit le guide, nous sommes sauvés, mais regardez donc là où nous devions passer !