Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/357

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sans cesse et de toutes parts, et en vertu de son impuissance même, elle nous met face à face avec la cause première : et c’est pour cela que, toujours aimée, toujours cultivée, cette science est aussi antique que l’homme. La Genèse en est le plus vieux et le plus sublime traité, et, chez le peuple poëte par excellence, chez les Grecs, les théogonies, les cosmogonies abondent dès le premier âge ; dès lors, comme aujourd’hui, les Vulcaniens, les Neptuniens s’y disputent, non pas, à la vérité, les suffrages du monde savant, mais l’admiration naïve, l’oisive curiosité, le poétique sentiment d’une foule intelligente et crédule.

À Valorsine, je rejoignis trois touristes : c’étaient un Français et deux Anglais, gens sans aucune espèce de rapport entre eux, si ce n’est celui qu’établissent temporairement des manières comme il faut, et cette sorte de sympathie aristocratique en vertu de laquelle des hommes qui s’estiment d’égale condition consentent à frayer ensemble, lorsque d’ailleurs ils ne peuvent frayer avec d’autres.

Les Anglais étaient deux beaux et grands garçons, de ces ci-devant écoliers, pas encore hommes, que milord leur père envoie, à peine échappés de Cambridge, faire leur tour du continent, accompagnés d’une sorte de gouverneur subalterne qui cire leurs bottes et paye leur champagne. Je les avais déjà rencontrés les jours précédents. À l’hôtel, à table, ils m’avaient paru avoir tout le décorum du gentleman anglais ; en route, je les avais aperçus folâtrant entre eux ou avec des passants : aussi me rappelaient-ils ces grands chiens de Terre-Neuve qui, sur le point de devenir graves, se surprennent encore à bondir de gaieté ou à jouer avec les roquets du continent.