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de la caverne que vous n’ayez reparu. Où est-elle ? Il m’indiqua à quelque distance un rocher noirâtre : — C’est droit en dessous, dit-il ; le chemin ne peut pas vous manquer. Et il partit.

Je m’acheminai vers le rocher. Mais que dites-vous, lecteur, de la situation ? Et si la vie de voyage, en isolant une jeune personne de ses compagnes, en l’approchant de vous, ou seulement en faisant naître l’occasion de quelques entretiens, rehausse à vos yeux ses attraits, double sa grâce, embellit sa beauté, que sera-ce, si, accouru en libérateur, vous la surprenez dans l’ombre d’une grotte, seule, tremblante, et néanmoins se rassurant à votre approche, accueillant d’un sourire de gratitude votre empressement à voler à son aide ! Il est vraiment à craindre que, troublé vous-même par le plaisir, enhardi par vos avantages, vous ne laissiez trop voir un empressement que la conjoncture rendrait vite importun. C’est ce que j’avais grand soin de me dire à moi-même en montant vers le rocher.

Mais, quoi qu’il puisse faire pour se maintenir dans les termes d’une respectueuse civilité, un jeune homme n’apparaît point ainsi à l’entrée d’une grotte, que la jeune fille qui s’y est réfugiée n’éprouve ce pudique embarras dont déjà le sentiment de sa solitude la préservait à peine. À ma vue une vive rougeur colora les joues d’Émilie, et, quittant aussitôt la place reculée où elle était assise, elle accourut sur le seuil, comme pour se mettre sous la protection du jour et des cieux. Ce mouvement, tout naturel qu’il fût, ne pouvait m’être agréable, car l’alarme, même la plus passagère, outrage un sentiment délicat et honnête. Toutefois le déplaisir que j’en ressentis me fut de quelque secours pour donner à mon apparition le tour prosaïque que