Page:Topffer - Nouvelles genevoises.djvu/426

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que l’éclair, je m’y jette sur sa trace, je roule ; je bondis, je plonge de vide en vide, cherchant à devancer la mort qui roule à ma poursuite, et, vainqueur dans cette lutte funèbre, j’arrive auprès de la vierge pâlissante et glacée… Elle avait voulu trouver dans ce gouffre la fin de ses tourments ! Alors je lui laissai voir que moi, l’étranger, que moi, l’inconnu, j’avais deviné sa pensée. Comprise enfin, pour la seule fois peut-être, ses paupières s’ouvrirent pour laisser briller la flamme du ravissement, et le sourire radieux, ineffable, accourut sur les violettes (!!) de ses lèvres. En même temps arrivaient les molosses (!!!) de l’hospice, chargés, de cordiaux, aboyant le secours et la délivrance. Du haut de la chaussée on nous tendit un câble, les pères vinrent à notre rencontre, je remis aux hommes du ciel la victime du monde, et, après la leur avoir remise, je m’éloignai à pas désespérés ! »

Je partis d’un grand éclat de rire… Les dames se levèrent, indignées, mon cousin regarda sa mère, ma tante me regarda, je regardai tout ce monde en larmes, et n’étant plus maître alors de réprimer une hilarité que ce spectacle même portait à son comble, je pris le parti de saluer la compagnie et de prendre congé, en m’excusant d’avoir causé un si grand scandale.

Tout en regagnant mon hôtel, je me ressouvins de ce gros monsieur qui disait :


Épitaphe ! tout est épitaphe !


FIN DU GRAND-SAINT-BERNARD.