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roir fidèle où l’homme se voit bien plus laid qu’il ne croyait l’être.

Le duc, en cela, avait suivi la maxime de Socrate, qui exhorte l’homme à regarder dans son cerveau. Γνωθι σεαυτον (c’est du grec) ne signifie pas autre chose. Pour moi, je doute fort s’il y a beaucoup à gagner dans cette habituelle contemplation. Sur bien des choses, vaut mieux s’ignorer soi-même. Certains, à se connaître mieux, deviendraient pires. Tel, voyant son champ ingrat au bon grain, prend l’idée de tirer parti des mauvaises herbes.




Aussi je ne regarde plus tant dans mon cerveau, mais ce m’est un passe-temps des plus récréatifs que de lorgner dans celui des autres. J’y applique la loupe, le microscope ; et vous ne sauriez croire ce que j’y découvre de petites particularités curieuses, sans compter les grosses qui se voient à l’œil nu, et les monstruosités qui frappent à distance. Bien fou Gall, qui prétend juger du contenu par le contenant, du goût d’une orange par ses aspérités, d’un onguent par la boîte. Moi, j’ouvre et je goûte ; j’ôte le couvercle et je flaire :

Imaginez-vous que tous les cerveaux sont faits de même ; j’entends qu’ils ont tous le même nombre de loges, contenant les mêmes germes, ainsi qu’en toute orange même nombre de pépins habitent même nombre de loges pareillement disposées. Mais voici que bientôt, de ces germes, les uns avortant, les autres se développant outre mesure, il résulte des disproportions d’où éclatent ces différences de caractères qui font les hommes si dissemblables.

Ce qui est curieux, c’est qu’il y a un de ces germes