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Or, le lundi précédent, au bruit d’une voiture, j’étais accouru à mon poste. C’était un brillant carrosse ; quatre chevaux, attelage superbe, gens en livrée. La voiture s’arrêta, et il en sortit un vieillard infirme que soutenaient respectueusement deux laquais. Je notai son crâne chauve et ses cheveux argentés, pour le bien reconnaître lorsqu’il arriverait à la galerie.

Quand le vieillard eut mis pied à terre, une jeune fille descendit de la calèche. Alors les deux laquais se retirèrent, et, le vieillard s’appuyant sur le bras de la jeune fille, ils entrèrent doucement dans l’allée ; un gros épagneul les suivait en jouant.

Je me sentis ému à cette vue, non point tant à cause de ce qu’il y a de réellement touchant à voir une fille jeune et belle servir d’appui au vieil âge, mais surtout parce que, dans mon habituelle préoccupation de tendres pensées, cette aimable nymphe, parée de tout ce qui rehausse la grâce et la beauté même, en me montrant la mortelle que je rêvais confusément, fixait sur elle les vagues sentiments, les feux sans objet qui, depuis quelque temps, agitaient mon cœur.

Une chose plus particulière à cette jeune personne avait contribué à me séduire par un charme inattendu : c’était la grande simplicité de sa mise. Au milieu de tant de signes d’opulence, je ne sus lui voir qu’un simple chapeau de paille, qu’une robe blanche, et néanmoins tant d’élégance et de grâce, qu’il me semblait que seule, en des lieux écartés, et privée de tout cet entourage de richesse, je n’eusse pu méconnaître à son port, à sa démarche, à tout son air, son rang, sa richesse, et jusqu’à ce noble dévouement qui la portait à se dérober aux hommages des jeunes hommes pour soutenir les pas d’un vieillard.