Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 3, 1873.djvu/5

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bigamie, et qu’il fit acquitter. — Me Lachaud défendit aussi le fameux Troppmann. — Depuis les événements de 1870, sa brillante carrière est entrée dans une nouvelle phase. Il faut rappeler qu’en 1869, Me Lachaud, piqué de la tarentule politique, s’était porté candidat au Corps législatif dans une des circonscriptions de la Seine. Ses tournées dans les réunions électorales avaient été autant de vestes corsées qui, le jour du vote, s’étaient traduites par un nombre de voix si minime, que ses électeurs eussent très-bien pu entrer dans l’urne avec leurs bulletins sans gêner les opérations. — Ce résultat n’eut, d’ailleurs, rien de surprenant pour les gens qui avaient eu la bonne fortune d’entendre Me Lachaud exposer ses théories politiques. Autant cet orateur pouvait être entraînant faisant l’apologie d’un homme qui avait coupé sa concierge en onze morceaux, autant il était antipathique cherchant analyser, dans une conférence froide, fadasse et ampoulée, les vieux clichés démocratiques mitigés de rengaines réactionnaires qui formaient le fond de ses déclarations de principes. Piteux, sans entrain, sans franchise, mariant cauteleusement dans ses phrases incolores l’argument de confection des libertés nécessaires au vieux pont neuf des restrictions indispensables, il faisait de ses péroraisons une espèce de pot-pourri qui pouvait se chanter sans danger au dessert sous tous les régimes, mais qui, au beau milieu d’un réveil politique comme celui de 1869, devait fatalement produire sur des esprits avides de mouvement l’effet d’une berceuse en la bémol mineur, jouée par un harmoniflûte en plein bal de mi-carême. — Quoique cet échec fùt trés-mérité, il n’en eut pas moins pour effet de renverser sens dessus-dessous la poche au fiel du célèbre défenseur de la veuve… par empoisonnement de son mari, et de l’orphelin… par strangulation de ses parents. C’est ce qui explique que Me Lachaud, depuis la chute de l’empire, affectionne les causes qui peuvent lui permettre de casser beaucoup de sucre sur le dos des hommes du 4 Septembre. — Il a défendu avec véhémence les virements du préfet de l’empire Janvier de la Motte, et le Figaro, dans l’affaire du général Trochu. — Disons, à cette occasion, que Me Lachaud est l’avocat attitré du Figaro. Il l’a tiré de bien des mauvais pas, et l’on raconte même qu’une fois ou deux il est parvenu à obtenir jusqu’à… un franc de dommages-intérêts en réparation de l’atteinte portée a l’honneur de cette feuille par de vils diffamateurs. Il est impossible de ne pas voir là la preuve d’un immense talent. — Son dernier triomphe a été l’affaire Bazaine. Il n’a pas sauvé son client ; mais il a failli faire condamner Gambetta à la déportation, ce qui paraît être son rêve, et a trouvé le moyen d’intercaler l’éloge de l’ex-impératrice dans le récit du siège de Metz. — La première partie de la plaidoirie de Me Lachaud dans cette dernière affaire a été un véritable chef-d’œuvre. Le compte rendu imprimé de l’audience ressemblait à une annonce de la douce Revalescière du Barry, tant les certificats délivrés au maréchal se succédaient drus et ser-