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LA CARRIÈRE D’HONORÉ BEAUBU


Ce qu’Honoré Beaubu reprochait à Mme Beaubu, ce n’était pas de ne point remplir ses devoirs d’épouse, et, au contraire, c’était de les remplir avec d’autres que lui, voilà tout. Au moins l’en soupçonnait-il fortement, et — il faut bien le dire — non sans raisons,

Disons tout de suite que Mme Beaubu avait été, voilà vingt-cinq ans, baptisée Euphrasie, sur l’expresse volonté d’une marraine acariâtre et délabrée, qui lui devait léguer tout son bien. Ainsi fit-elle, peu de temps après le mariage de sa filleule : ce bien ne consistait d’ailleurs qu’en une demi-douzaine de petites cuillères, que l’on soupçonnait d’être en argent. Le reste avait été placé en viager, ou « mangé » par les obsèques.

Son parrain, lui, qui était un fin lettré, la rebaptisa Phrasie-Mineure, d’où vint l’usage de l’appeler Mineure, puis Neur tout court, et enfin Neurette. Après tout, Neurette, ça ne veut rien dire, mais c’est agréable à l’oreille : « euphonique », comme on dit en classe.