Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/233

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Ici, il faut tout tirer de soi-même, comme — pour employer une comparaison nouvelle — comme l’araignée, sa toile.

Cependant, ma compagne contemplait, à travers son face-à-main et la crasse atmosphère, ces quais qu’elle n’avait jamais vus, coupés d’escaliers clapotants, et qui inclinaient vers l’eau le noir de leur ramure ; plus loin, des maisons couleur de crème sale aux innombrables fenêtres ; plus loin encore, quelque dôme indistinct qui semble flotter à ras des nues, comme une montgolfière. Et parfois, le dessous enfumé d’un pont faisait se dresser en l’air les roses narines de Nane.

L’un d’eux, qui venait vers nous, l’étonna par la masse et la majesté. Orné de masques, il s’appuyait d’un pied sur un jardin, et supportait une statue équestre qui nous tournait le dos. Et Nane, soupçonnant que ce cavalier avait dû être quelqu’un de notoire :

— Qui est-ce donc, dit-elle.

— J’en ignore. Mais, mon Dieu, que vous êtes jolie aujourd’hui.

— Vous croyez qu’il ne le sait pas, cet employé, avec sa casquette ?

— Que quoi ? Que vous êtes jolie.

— Mais non ! Qu’il ne sait pas qui c’est la statue.