Page:Toulet - Mon Amie Nane, 1922.djvu/92

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

teinte de sang. Ne feignez point d’être surprise qu’ils vous guettent avec ces avides yeux : ce n’est pas toujours de manger, Nane, que les hommes ont faim.

Mais puisque nous sommes ici pour les nouveaux tableaux, allons les voir. Dans le Salon Carré, tenez, ce grand paysage de Poussin, on l’a acheté l’autre jour chez Dufayel. Vous vous plaignez qu’on ne distingue rien, qu’il fait trop sombre. Mais c’est toujours comme ça, au Salon Carré. Les tableaux n’y sont pas pour être vus. Ils se reposent, et, pour un peu, on leur mettrait des housses. — Et ça ? — Ça c’est les noces de Cana, en Galilée. — Beaucoup trop pour vous, n’est-ce pas ; et vous préféreriez une bonbonnière comme celle qu’acheta Willy, aux Miniaturistes ? Mon Dieu, l’un et l’autre sont à peu près incomparables. Ne les comparons pas.

Mais déjà la Grande Galerie vous effraye ; et vous faites demi-tour. À vrai dire ces milliers de figures, à droite pendues, et à gauche, sur un demi-kilomètre de long, et qui vous regardent sans vous voir, ne laissent pas d’intimider un peu. On a le sentiment qu’on va passer par les baguettes. Vous devriez pourtant aller dire un petit bonjour, là-bas,