Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/111

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article Elisèvitch a écrit sur ce sujet ! C’est un génie que ce monsieur-là ! (Evdoxia disait toujours « monsieur » pour « homme. ») Bazarof, asseyez-vous à côté de moi sur le divan. Vous ne savez peut-être pas que j’ai une peur horrible de vous.

— Pourquoi cela ? Je serais curieux de le savoir.

— Vous êtes un monsieur fort dangereux, vous critiquez tout au monde. Ah ! mon Dieu ! je parle comme une vraie campagnarde. Après tout, je suis réellement une campagnarde. J’administre moi-même mon bien, et figurez-vous que mon starosta[1] Erofeï est un type étonnant ; il me rappelle le Chercheur de pistes de Cooper. Je lui trouve quelque chose de si primitif. Me voilà fixée à tout jamais ici ; quelle ville insupportable ! N’est-ce pas ? Mais qu’y faire !

— C’est une ville comme une autre, dit froidement Bazarof.

— On ne s’y occupe que d’intérêts mesquins. Voilà ce qui est terrible ! Autrefois, je passais tous les hivers à Moscou… ; mais le vénérable M. Koukchine est venu s’y établir. D’ailleurs, Moscou est maintenant… je ne sais pas… ; tout y est changé à cette heure. Je voudrais voyager ; j’ai même été sur le point de me mettre en route l’année dernière.

— Pour Paris sans doute ? demanda Bazarof.

— Pour Paris et pour Heidelberg.

— Heidelberg ? Et à quel propos ?

  1. Paysan remplissant les fonctions de maire.