Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/118

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mot, il parlait cette langue franco-russe dont les français se moquent tant, lorsqu’ils ne jugent point nécessaire d’assurer que nous parlons le français comme des anges.

Arcade ne dansait guère, nous l’avons déjà dit, et Bazarof ne dansait pas du tout ; ils se retirèrent dans un coin de la salle avec Sitnikof. Celui-ci, un sourire de mépris sur les lèvres, faisait des remarques qu’il croyait être très-méchantes, regardait autour de lui d’un air provocateur et semblait éprouver une vive satisfaction. Soudain l’expression de ses traits changea, et se penchant vers Arcade, il lui dit avec une sorte de trouble :

« Voilà madame Odintsof. »

Arcade se retourna et aperçut une femme d’une taille élevée, en robe noire, arrêtée à la porte de la salle. La distinction de toute sa personne le frappa. Ses bras nus tombaient gracieusement le long de son buste élancé ; de légères tiges de fuchsia descendaient gracieusement aussi de sa chevelure brillante sur ses belles épaules ; ses yeux limpides que surmontait un front blanc légèrement bombé, étaient plutôt tranquilles et intelligents que pensifs. Un sourire presque imperceptible errait sur ses lèvres. Je ne sais quelle force caressante était répandue sur toute sa figure.

— Vous la connaissez ? demanda Arcade à Sitnikof.

— Très-intimement. Voulez-vous que je vous présente ?

— Volontiers… après cette contredanse.