Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/149

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rester en place, comme si quelque chose le poussait continuellement à en changer. Quant à Arcade qui avait immédiatement décidé qu’il était amoureux de madame Odintzof, il ne tarda pas à se livrer à une calme mélancolie. Mais cela ne l’empêcha nullement de se rapprocher de Katia, cela contribua même à l’y disposer en quelque sorte. « Elle ne m’apprécie pas ! Eh ! bien ; soit… Mais voici une bonne créature qui ne me repousse pas, » se disait-il, et son cœur goûtait de nouveau la douceur de se sentir généreux comme il l’avait été à l’égard de son père. Katia comprenait confusément qu’il cherchait quelque consolation dans sa société ; elle ne lui refusait pas la douce satisfaction que donne une amitié timide et confiante à la fois, et elle s’y abandonnait elle-même. Ils ne se parlaient point en présence de madame Odintsof. Katia s’effaçait en quelque sorte sous le regard clairvoyant de sa sœur ; et Arcade, comme il sied du reste à un amoureux, ne pouvait accorder la moindre attention à quoi que ce soit en présence de l’objet de sa flamme ; mais il n’était à son aise qu’avec Katia. Il avait la modestie de ne pas se croire digne d’occuper madame Odintsof ; il perdait contenance lorsqu’il se trouvait seul avec elle, et il ne savait que lui dire ; Arcade était trop jeune pour elle. Avec Katia, il se sentait au contraire parfaitement à son aise ; il la traitait avec indulgence, ne l’empêchait point de lui faire part des impressions que lui causaient la musique, la lecture des romans, des vers et d’autres « niaiseries, » sans remarquer ou sans