Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/193

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— C’était une vraie bûche, avoue-le, dit négligemment Bazarof.

— Ah ! Eugène, comment peux-tu employer de pareils termes ! c’est impardonnable… Sans doute le général Kirsanof n’était pas du nombre…

— Allons ! laisse-le en repos ! reprit Bazarof. En arrivant, j’ai remarqué avec plaisir que ton bois de bouleau a joliment poussé.

Vassili Ivanovitch s’anima subitement.

— Ce n’est encore rien ; il faut voir le jardin. Je l’ai planté de ma main ! Nous avons là des arbres fruitiers, toutes sortes d’arbrisseaux, et des plantes médicinales. Vous aurez beau dire, jeunes gens, mais le vieux Paracelse n’en a pas moins proclamé une grande vérité : In herbis, verbis et lapidibus… Quant à moi, tu sais bien que j’ai renoncé à la pratique ; cependant il m’arrive encore deux ou trois fois par semaine de reprendre mon vieux métier. On vient me demander conseil ; impossible de mettre les gens à la porte. Souvent des pauvres se présentent ; d’ailleurs il n’y a pas de médecin dans le pays. J’ai pour voisin un ancien major qui se mêle aussi de guérir les malades. Je demande un jour s’il a étudié la médecine. On me répond : « non, il n’a pas étudié la médecine, mais c’est par philanthropie… » Ha ! ha ! ha ! par philanthropie ! Ha ! ha ! comment trouves-tu ça ? Ha ! ha ! ha !

— Fedka ! bourre-moi une pipe, cria Bazarof d’un ton rude.

— Nous avons encore un autre docteur, reprit Vassili