Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/227

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son père ; celui de gauche, menait chez madame Odintsof.

Il regarda Bazarof.

— Eugène, lui dit-il, à gauche ?

Bazarof se détourna.

— Quelle bêtise ! répondit-il entre ses dents.

— Je sais bien que c’est une bêtise, répondit Arcade. Mais qu’importe ? ce ne sera pas la première que nous faisons.

Bazarof abaissa la visière de sa casquette.

— Fais comme tu voudras ! finit-il par lui répondre.

— Prends à gauche ! cria Arcade au cocher.

Le tarantass roula du côté de Nikolskoïe. Mais les deux amis s’étant décidés à faire une bêtise, gardèrent un silence encore plus obstiné qu’auparavant : ils paraissaient presque en colère.

À la manière dont le maître d’hôtel de madame Odintsof les reçut sur l’escalier de la maison, les jeunes voyageurs reconnurent bientôt, qu’ils avaient agi inconsidérément en cédant à ce caprice. On ne les attendait nullement ; il était facile de le voir. Invités à passer dans le salon, ils y demeurèrent assez long-temps faisant triste figure. Madame Odintsof parut enfin ; elle les aborda avec son amabilité ordinaire, mais parut surprise de leur prompt retour ; elle n’était guère charmée de les revoir, à en juger par la lenteur de ses paroles et de tous ses mouvements. Ils s’empressèrent de lui apprendre que c’était en passant qu’ils étaient venus, et que dans deux ou trois