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— Quel livre avez-vous là ? lui demanda-t-elle quelques instants après.

— C’est un ouvrage savant, difficile à comprendre.

— Vous étudiez toujours ! Cela ne vous ennuie donc pas ? Vous devriez pourtant tout savoir déjà, il me semble.

— Il paraît que non. Essayez donc de lire un peu dans ce livre.

— Mais, je n’y comprendrai rien. Est-ce du russe ? demanda Fenitchka en prenant de ses deux mains le volume à épaisse reliure que tenait Bazarof : — Comme il est gros !

— C’est bien du russe.

— Peu importe ; je n’y comprendrai rien.

— Je le sais bien ; mais je voudrais vous voir lire. Quand vous lisez, le bout de votre nez remue très-gentiment.

Fenitchka, qui essayait de déchiffrer à voix basse un paragraphe traitant « de la créosote, » se mit à rire et repoussa le livre qui glissa par terre.

— J’aime aussi votre rire, reprit Bazarof.

— Finissez donc !

— J’aime à vous entendre parler. On dirait le murmure d’un petit ruisseau.

Fenitchka détourna la tête.

— Comme vous êtes drôle ! dit-elle en promenant ses doigts sur les fleurs. Pourquoi m’écouteriez-vous ? vous avez dû causer avec des dames si instruites !

— Ah ! Fedossia Nikolaïevna, croyez-moi, toutes les