Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/259

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Bazarof se retourna et aperçut la figure pâle de Kirsanof assis dans le drochki. Sautant à terre avant que le cocher arrêtât, il courut vers son frère.

— Qu’est-ce que cela signifie ? demanda-t-il d’une voix émue ; Eugène Vassilievitch, comment est-ce possible ?

— Ce n’est rien, répondit Paul ; on a eu tort de te déranger. Nous avons cédé à un mouvement de vivacité, M. Bazarof et moi ; j’en ai été un peu puni, voilà tout.

— Mais à quel propos, grand Dieu ?

— Comment t’expliquer cela ? M. Bazarof s’est exprimé en ma présence d’une manière inconvenante sur le compte de sir Robert Peel. Mais je me hâte d’ajouter que dans tout cela je suis le seul coupable, et que M. Bazarof s’est conduit fort honorablement. C’est moi qui l’ai provoqué.

— Je vois du sang ?

— Pensais-tu donc que j’avais de l’eau dans les veines ? Je t’assure que cette petite saignée me fera du bien. N’est-ce pas, docteur ? Aide-moi à monter en drochki, et ne t’abandonne pas à la mélancolie. Demain je serai bien portant. C’est cela, je suis à merveille. Allons ! partons cocher !

Kirsanof suivit le drochki à pied ; Bazarof était resté en arrière.

— Je dois vous prier de prendre soin de mon frère, lui dit Kirsanof, tant qu’on ne nous aura pas amené un médecin de la ville.