Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/264

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L’état de Paul ne tarda point à s’améliorer ; mais il garda encore le lit près d’une semaine. Il supporta sa captivité, comme il le disait, assez patiemment ; mais il donnait une grande partie de son temps à sa toilette et faisait continuellement brûler de l’eau de Cologne. Kirsanof lui lisait le journal, et Fenitchka le servait comme d’habitude ; elle lui apportait du bouillon, de la limonade, des œufs à la coque, du thé ; mais un secret effroi s’emparait d’elle toutes les fois qu’elle entrait dans sa chambre. L’incartade inattendue de Paul Petrovitch avait épouvanté tous les habitants de la maison, et surtout Fenitchka ; Prokofitch était le seul qui en parlât avec le plus grand sang-froid ; il disait que de son temps les maîtres se battaient souvent de cette manière, « mais à la rigueur entre eux, et jamais avec des malotrus comme celui-là. On faisait fouetter ces gens-là à l’écurie, lorsqu’ils étaient insolents. »

La conscience de Fenitchka ne lui reprochait presque rien ; mais elle était très-tourmentée quand il lui venait des soupçons sur la véritable cause de la querelle ; de plus Paul la regardait d’une façon si étrange… que, même, le dos tourné, elle sentait l’effet de ses yeux. Elle maigrit par suite de cette agitation constante, et comme toujours chez les femmes de cet âge, elle n’en devint que plus jolie.

Une fois, (c’était un matin,) Paul se sentant beaucoup mieux, quitta son lit pour s’étendre sur son divan ; Kirsanof vint lui demander des nouvelles de sa santé,