Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/280

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volume de Heine et retourna à la maison ; elle n’alla pas essayer ses bottines.

— Un pied charmant, pensait-elle en montant lentement et avec légèreté la terrasse dont le soleil avait chauffé les marches. — Eh bien, il sera bientôt à mes pieds charmants.

Mais elle éprouva presque aussitôt un sentiment de honte et rentra à la maison en courant.

Arcade suivait le corridor pour gagner sa chambre ; le maître d’hôtel courut après lui et le prévint que M. Bazarof l’attendait.

— Eugène ! répondit-il presque avec effroi ; est-il arrivé depuis longtemps ?

— Il arrive à la minute, mais il a recommandé de ne pas l’annoncer à Anna Serghéïevna, et s’est fait conduire directement dans votre chambre.

— Serait-il arrivé quelque malheur à la maison ? se dit Arcade, et, montant précipitamment l’escalier, il ouvrit la porte toute grande.

À peine eut-il aperçu Bazarof qu’il se tranquillisa, quoiqu’un œil plus exercé se fût sans doute aperçu que les traits toujours énergiques, mais un peu amaigris de son ami, exprimaient une sorte d’agitation intérieure. Il était assis sur l’appui de la fenêtre, un manteau couvert de poussière sur les épaules et sa casquette sur la tête ; il ne bougea pas, même lorsque Arcade se jeta à son cou en poussant un cri de joie.

— Voilà une surprise ! Par quel hasard ? répétait celui-ci en marchant dans la chambre comme quel-