Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/292

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moi, nous nous sommes trompés ; nous ne sommes plus ni l’un ni l’autre de la première jeunesse, moi surtout ; nous avons vécu, nous sommes fatigués tous deux, nous sommes, pourquoi ne point l’avouer ? intelligents tous deux, nous avons commencé par nous intéresser réciproquement, notre curiosité fut éveillée… ensuite…

— Ensuite, j’ai fait le sot, dit Bazarof.

— Vous savez que ce ne fut pas là la cause de notre rupture. Ce qu’il y a de certain, c’est que nous n’avions pas besoin l’un de l’autre ; nous avions trop de… comment dirais-je ? trop de traits communs. Nous ne l’avons pas compris tout de suite. Au contraire, Arcade…

— Vous aviez besoin de lui ? demanda Bazarof.

— Cessez donc, Eugène Vassilievitch ! Vous prétendez que je ne lui suis pas indifférente, et en effet, il m’a toujours semblé que je lui plaisais. Je sais que je pourrais être… sa tante ; mais je ne veux pas vous cacher que je pense plus souvent à lui, depuis quelque temps. Sa jeunesse et sa naïveté ont pour moi un certain attrait.

— Un certain charme… ; c’est le mot dont on se sert en pareil cas, reprit Bazarof d’une voix sourde et tranquille, mais qui laissait percer les bouillonnements de la bile. — Arcade faisait hier encore le mystérieux, et il ne m’a parlé ni de vous, ni de votre sœur… c’est un grave symptôme !

— Il est à l’égard de Katia absolument comme un frère, dit madame Odintsof, et cela me plaît, quoique