Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/45

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— Oui ; de physique et des sciences naturelles en général.

— On prétend que les Germains ont fait faire de grands progrès à ces sciences depuis quelques années.

— Oui, les Allemands sont nos maîtres à cet égard, répondit négligemment Bazarof.

Paul avait employé ce mot de Germains avec une intention ironique ; mais cela ne produisit pas grand effet.

— Vous avez une bien haute estime pour les Allemands ! reprit-il avec une politesse affectée. Il commençait à sentir une sourde irritation. Sa nature aristocratique ne pouvait supporter l’aplomb de Bazarof. Non-seulement ce fils de médecin ne se montrait pas embarrassé, mais il lui répondait brusquement et de mauvaise grâce, et le son de sa voix avait quelque chose de grossier qui frisait l’insolence.

— Les savants de ce pays-là sont des gaillards de mérite, dit Bazarof.

— C’est vrai, c’est vrai. Et vous n’avez probablement pas une si flatteuse opinion des savants russes ?

— C’est possible.

— Une pareille impartialité vous fait beaucoup d’honneur, ajouta Paul ; et il se redressa en portant la tête un peu en arrière. Cependant Arcade Nikolaïvitch nous avait dit que vous ne reconnaissiez aucune autorité en fait de sciences. Comment concilier cela avec l’opinion que vous venez d’exprimer ? Est-il bien vrai, en effet, que vous ne reconnaissiez aucune autorité ?