Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/60

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— Je suis un homme faible, irrésolu ; j’ai passé ma vie loin du monde, avait-il coutume de dire ; tandis que toi qui as longtemps vécu dans ce milieu-là, tu connais bien les hommes ; tu as un regard d’aigle.

Au lieu de lui répondre, Paul se détournait ; mais il ne cherchait point à détromper son frère.

Laissant Kirsanof dans son cabinet, il suivit le corridor qui traversait la maison ; et, arrivé devant une petite porte, il s’arrêta, parut hésiter un moment, se tira la moustache, et frappa légèrement.

— Qui est là ? dit Fénitchka ; entrez !

— C’est moi ; répondit Paul ; et il ouvrit la porte.

Fénitchka sauta de la chaise sur laquelle elle se tenait assise, son enfant dans les bras ; elle remit celui-ci à une femme qui l’emporta aussitôt, et arrangea précipitamment son fichu.

— Pardonnez-moi ; je vous ai dérangée, lui dit Paul sans la regarder ; je voulais simplement vous demander… Je crois que l’on envoie aujourd’hui à la ville ;… faites-moi acheter du thé vert.

— Du thé vert, répéta Fénitchka ; combien en désirez-vous ?

— Une demi-livre me suffira. Mais vous avez fait un changement ici, si je ne me trompe, ajouta-t-il en jetant autour de lui un regard rapide qui effleura aussi la figure de Fénitchka ; je parle de ces rideaux, reprit-il, voyant qu’elle ne le comprenait pas.

— Oui ; Nicolas Petrovitch a bien voulu m’en faire cadeau ; mais il y a déjà longtemps qu’ils sont placés.