Page:Tourgueniev - Pères et fils.djvu/63

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Yermolof[1], vêtu d’un manteau tcherkess, fronçait les sourcils en regardant les montagnes qui s’élevaient à l’horizon ; une petite pelote de soie suspendue au même clou lui tombait sur le front.

Pendant près de cinq minutes, un bruit de pas et des chuchotements se firent entendre dans la chambre voisine. Paul prit sur la commode un livre usé ; c’était un volume dépareillé du roman de Massalski, les Strelitz ; il en tourna quelques pages… La porte s’ouvrit, et Fénitchka parut tenant Mitia dans ses bras. L’enfant portait une petite chemise rouge, bordée d’un galon au collet ; sa mère l’avait débarbouillé et peigné ; il respirait avec bruit, se trémoussait et agitait ses bras comme font les enfants bien portants ; tout petit qu’il était, l’élégance de son vêtement agissait sur lui ; ses traits bouffis exprimaient la satisfaction. Fénitchka n’avait pas oublié sa propre chevelure, et elle avait mis une collerette neuve ; mais elle eût pu se dispenser de ce soin.

Est-il, en effet, rien de plus charmant au monde qu’une mère jeune et belle tenant un enfant dans ses bras ?

— Quel luron ! dit Paul d’un air bienveillant, et il chatouilla le double menton de Mitia avec l’extrémité de l’ongle pointu qui terminait son index ; l’enfant regarda le serin et se mit à rire.

— C’est ton oncle, dit Fénitchka en baissant un peu

  1. Général qui commandait au Caucase dans la première année du règne de Nicolas.