Page:Tourneux - Un factum inconnu de Diderot, 1901.djvu/34

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Le souscripteur ne dit plus au libraire : « Voilà ma souscription, donnez-moi la suite de l’Encyclopédie ; si vous me la refusez, je porterai mon titre au tribunal des lois, et j’aurai raison de votre refus. » S’il parlait ainsi, le libraire pourrait lui répondre : « Monsieur, vous n’êtes pas dans votre bon sens. »

Mais voici l’entretien du souscripteur et du commerçant :

L’Acquéreur. J’ai les sept premiers volumes de votre ouvrage, et je voudrais en avoir la suite.

Le Libraire. Je ne me mêle plus de cette entreprise ; je vous dois des planches et je vous en fournirai quand il en paraîtra ; mais pour toute ma fortune je ne vous délivrerais pas ici ce que vous me demandez.

L’Acquéreur. Comment ferai-je donc ?

Le Libraire. Si vous m’indiquiez quelqu’endroit au loin, on pourrait se charger de vous compléter ; à vos risques et fortunes, s’entend.

L’Acquéreur. Combien le volume ?

Le Libraire. Vingt francs.

L’Acquéreur. Vingt francs, soit.

Que dirait-on d’un passant, qui interviendrait dans le colloque de l’acquéreur et du commerçant, et qui leur crierait : Je m’y oppose. Hé bien, ce passant, c’est M. Luneau, à qui, ce me semble, le commerçant et l’acquéreur peuvent dire, s’ils lui répondent : « Mêlez-vous de vos affaires, et laissez-nous arranger la nôtre… — Mais il vous prend 40 sols de trop… — Il ne me prend rien, il me demande de sa marchandise ce qu’il en veut, et son prix me convient ; je n’ai qu’un seul droit, c’est de la laisser. — Si vous la laissez, votre ouvrage sera incomplet. — Complet ou incomplet, je le garderai ou je m’en déferai avec avantage, quand je voudrai. — N’êtes vous pas souscripteur ? — Je l’étais, mais ce titre