Page:Tourneux - Un factum inconnu de Diderot, 1901.djvu/40

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j’ai consultés sur ce mémoire y avaient trouvé la moindre réponse, et que, si je n’avais moi-même la plus entière conviction de la vérité de tout ce qu’il contient, je ne l’aurais pas publié.

Je proteste que l’entreprise de l’Encyclopédie n’a pas été de mon choix ; qu’une parole d’honneur très adroitement exigée, très indiscrètement accordée, m’a livré, pieds et poings liés, à cette énorme tâche et à toutes les peines qui l’ont accompagnée, et que, quelque médiocrement que je m’en sois tiré, j’y ai mis tout ce que j’avais de temps, de santé, de connaissance et de capacité. Si je n’ai pas mieux fait, c’est qu’il n’était pas en mon pouvoir de mieux faire. Quelque multipliés que soient les défauts de l’Encyclopédie, il semble toutefois que celui qui, avec le plus beau caractère, le plus beau papier, le crayon de Gravelot, le burin de Le Mire et le texte de Racine, n’a pu faire un ouvrage estimé, me devait à moi, comme à tout autre, beaucoup d’indulgence. On m’a dit que M. Luneau, après m’avoir porté aux nues dans ses plaidoiries, m’avait accablé d’invectives dans un de ses derniers mémoires. Celui qui ne mesure ses discours ni sur la décence, ni sur la vérité a perdu le privilège de flatter par son éloge et de blesser par son injure. M. Luneau qui me loue, M. Luneau qui m’outrage, sera le même Luneau pour moi ; et je ne rétracterai point les politesses dont je l’ai comblé dans ma lettre aux libraires, parce que je crois qu’il les mérite et plus que jamais. Quitte envers le public, les magistrats, les libraires et moi-même, je me hâte de retourner à la tranquillité de mon cabinet et à la douceur de mes études, dont je ne me suis pas laissé distraire sans répugnance, et que je ne sacrifierai pas davantage à M. Luneau, quelque nouvelle insulte qu’il puisse m’adresser.