Page:Tourneux - Un factum inconnu de Diderot, 1901.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

eut pour conclusion la rupture du traité. Toutefois Le Breton resta titulaire du privilège dont il obtint le renouvellement lorsqu’un mathématicien distingué, mais incapable d’un travail suivi, l’abbé Gua de Malves, lui fit la proposition de relier par un tableau raisonné des connaissances humaines les articles disséminés suivant la rigueur de l’ordre alphabétique. Ainsi que l’a observé M. Assézat, cette conception embryonnaire de Gua de Malves ne nous a été signalée que par les adversaires du philosophe, et si Diderot n’est pas nommé dans les lettres du nouveau privilège, scellées le 21 janvier 1746, c’est lui seul que Daguesseau agréa comme directeur de l’entreprise. Le pieux chancelier mourut, il est vrai, avant la publication du premier volume, mais il aida, sans s’en douter, a dit Sainte-Beuve, à introduire le cheval fatal dans les murs de Troie.

A peine lancé, le prospectus, renfermant justement le fameux arbre généalogique des diverses sciences, fut attaqué avec une égale violence par les jansénistes et les jésuites. Les premiers n’étaient pas bien redoutables, mais les seconds disposaient de hautes influences à la cour. Aussi n’épargnèrent-ils rien pour étouffer l’œuvre naissante. Dénonciations, pamphlets, chansons, caricatures, toute arme fut bonne, et la qualification d’encyclopédiste fut, suivant les camps, un honneur ou une injure avant qu’on pût juger du livre autrement que par des fragments, comme l’article Art, que Diderot avait joint à l’une de ses répliques au P. Berthier, directeur du Journal de Trévoux. En même temps, l’Académie des sciences, secouant sa torpeur, se rappelait que jadis Colbert lui avait prescrit de rédiger une vaste Description des arts et métiers ; aussitôt elle reprit ce projet oublié et, à défaut de d’Alembert, enrôlé, l’un des premiers, par Diderot, elle confia la direction du recueil à Réaumur. Celui-ci mourut en 1757, laissant toutefois en manuscrit les parties dont il s’était chargé. Après des années de tâtonnements et des frais considérables, Duhamel Du Monceau, Garsault, Fougeroux de Bondaroy, de Milly, Dudin, Roland de la Platière, etc., publièrent, à des dates indéterminées, ces Descriptions qui n’étaient pas sans mérite, mais qui suscitèrent à Diderot et à son dessinateur Goussier de perfides accusations de plagiat de la part de l’architecte Patte. La confusion entre les deux recueils était d’ailleurs inévitable et n’a jamais cessé ; certains travaux