Page:Tourneux - Un factum inconnu de Diderot, 1901.djvu/8

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suspectes étaient au fond, selon le même bon apôtre, « des moyens de répondre aux objections des incrédules contre l’authenticité des livres de Moïse, contre la chronologie de la Bible, contre l’autorité de l’Eglise ». Diderot n’avait pris aucune part à la thèse, mais il n’en fut pas de même de l’Apologie, préparée par l’abbé, et dont la troisième partie lui appartenait en propre. Le seul bénéfice qu’il retira de cette collaboration intempestive fut un arrêt du 7 février 1752, supprimant l’Encyclopédie, La censure de la thèse de l’abbé de Prades était du 27 janvier précédent : le rapprochement de ces deux dates est significatif. Les papiers de Diderot lui furent enlevés ; « les jésuites, dit Grimm, espéraient, moyennant cette dépouille, se mettre au lieu et place des éditeurs ; ils furent un peu déconcertés quand ils ne trouvèrent dans les cartons enlevés que des fragments, des réclames, des signes inintelligibles pour tout autre que pour l’auteur. » Au bout de trois mois, le comte d’Argenson, ministre de la guerre, à qui l’ouvrage était dédié, fit lever l’interdiction.

Malgré mandements et pamphlets, l’Encyclopédie avait atteint son septième volume (1758), lorsque l’Esprit d’Helvétius parut, muni de l’approbation de Tercier, censeur royal, et « commis » aux Affaires étrangères. Ni la haute situation de l’auteur, ni la valeur, aujourd’hui reconnue, du censeur que Malesherbes lui avait choisi, ne purent épargner à Helvétius un réquisitoire de Joly de Fleury, l’arrêt de destruction du livre au pied de l’escalier de la Grand’Chambre, la perte de sa place de maître d’hôtel de la reine et l’obligation de vendre sa charge de fermier général. L’Esprit n’avait pas seul comparu devant « Messieurs » ; l’Encyclopédie leur avait été également déférée. Toutefois, « usant d’indulgence », probablement à cause de la vaste circulation de fonds provoquée par cette opération, le Parlement nomma une commission qui devait en examiner le poison, dit Grimm, et qui ne s’est jamais rassemblée. Voici, au reste, dans sa partie essentielle, cet arrêt, qui fut non seulement imprimé, mais gravé au centre d’un encadrement allégorique où se voyaient l’Incrédulité proscrite et la Religion terrassant la Fausse Philosophie, couverte de peaux de bête[1].

  1. Cabinet des Estampes, collection Michel Hennin, tome CIII, p. 31.