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Page:Tremblay - Arômes du terroir, 1918.djvu/16

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AROMES DU TERROIR


Les saints du Paradis l’avaient abandonné
Au sort des mortes eaux qu’un venin désanime,
Et son cours sinueux demeurait anonyme,
Comme un héros obscur à l’oubli destiné.

Mais, quand même, il voulut donner à sa Patrie
Un peu plus que son âme en un suprême effort,
Et sapant une brèche à travers le bois mort,
Fit tourner en tombant l’aube d’une scierie.

Il dévala par bonds au delà du seuil noir,
Et franchit en courant le déversoir rapide,
Afin d’aller porter son breuvage sapide
Aux troupeaux altérés qui meuglaient dans le soir.

Il cacha dans le sol un peu de sa richesse,
Et, goutte à goutte, mit sa vertu dans les puits,
Afin que le semeur écrasé devant l’huis
Pût tromper la fatigue en buvant la caresse.

Il se précipita sur le val enflammé,
Et jeta son écume au fort de l’incendie,
Pour qu’un enfant n’eût pas le geste qui mendie
Et l’accent douloureux d’un regard affamé.