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PIERRE QUI ROULE

dénoncé comme déserteur.

Après avoir consulté ses amis, y compris son sympathique patron, relativement aux conséquences que pouvait entraîner une pareille délation, Quéquienne résolut de mettre la frontière entre lui et ses adversaires. Il partit donc seul pour Sherbrooke, sa femme devant aller le rejoindre au printemps, dès qu’il serait installé. Après son départ, pendant trois dimanches consécutifs, l’article fut commenté en chaire et l’auteur fut rabroué que c’en était une bénédiction. Sa pauvre femme, qui l’entendait vouer aux gémonies, redoublait de prières pour l’époux absent qu’elle refusait de considérer comme un démon et pire qu’un démon.

Un brave garçon, qu’on prenait pour Quéquienne, fut lâchement assailli et cruellement battu par une bande de voyous. On affirme qu’une collecte, faite parmi les Irlandais pour permettre au curé de s’adresser aux tribunaux du Canada, produisit la jolie somme de $600. Ce qu’il y a de certain, c’est que nulle poursuite ne fut intentée. Lorsqu’il apprit le résultat de cette quête, Quéquienne se félicita d’avoir, indirectement, contribué à augmenter les recettes de la paroisse catholique de Woonsocket.

Quéquienne avait d’abord songé à s’établir à Sherbrooke. On lui conseilla d’aller ouvrir un magasin dans un nouveau centre de colonisation où il aurait l’avantage de profiter des futurs développements. En compagnie de M. Charles Bélanger, un des oncles de sa femme, domicilié à Cookshire, il fit un voyage d’exploration dans les cantons situés au sud-est de Sherbrooke. Il arrêta son choix sur une ferme située à Clifton-Est, sur le chemin, conduisant à Colebrook.

Il y avait là 200 acres de terre, dont 70 en état de culture. La maison était très vaste, les bâtiments en bon ordre et les défrichements avaient été commencés