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PIERRE QUI ROULE

— Eh ! ben, j’ai vu un lieuvre.

— Que serions-nous devenus sans Jésus-Christ ! lui demandait le curé. Cette fois, Pierre, sûr de lui-même et sans que personne l’eut aidé, répond sans hésiter : On s’rait d’venu comme des allumaux M. l’curé.

Les parents de Pierre étaient pauvres mais bêtes. Un jour, le curé faisait sa visite paroissiale, accompagné des marguilliers. On sait qu’en cette occasion chacun donnait des provisions pour les pauvres. Pierre n’avait pas de pantalon, ou du moins son pantalon était tellement troué que la mère, un peu en retard, avait caché Pierre sous le lit pendant qu’elle procédait au raccommodage.

Le curé et les marguilliers n’étaient pas en retard. En les voyant arriver le père dit à Pierre : « Mon mardi, si t’as l’malheur de sortir pendant qu’ils seront icite, j’te sacre la volée d’vant M. l’curé. »

Le dévoué pasteur entre et s’informe de l’état des ressources de la famille. — Ben, on est pas mal, on a des pois, répond le père. Alors, Pierre, indigné, sort de sa cachette et s’écrie : « Ma sacrée conscience, on a guinque deux forsures pourrites. » Alors, le bonhomme attrape Pierre d’une main, les pincettes de l’autre, et se met en devoir d’administrer à sa progéniture une raclée aussi familiale que mémorable. Les marguilliers intervinrent à temps, mais quel compte le pauvre Pierre a dû avoir à régler après leur départ !

Ce qui précède m’a un peu éloigné de mon sujet. Revenons à nos moutons qui, pour le moment, sont des sobriquets.

Il y avait Petit Sinette, encore un colosse, dont le nom véritable était Pierre Dupré. Le véritable nom de Laurent Baptiste Félix était Laurent Péloquin ; Charlette à Charlet Ignacette se nommait réellement Charles Girouard ; les Baptistène étaient des Lincourt et les Chevalier étaient des Dégourdy.