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PIERRE QUI ROULE

« Imaginez-vous l’effet moral produit par un brave Canuck, arrivant en plein pays ennemi et s’emparant, à beaux deniers sonnants, de la plus belle propriété disponible dans un rayon de dix milles ! Pour le gallophobe, la vie des Cantons de l’Est devenait intolérable. C’était à qui vendrait pour déguerpir le plus tôt possible. D’autres Canadiens, moins riches que le premier arrivé, venaient s’établir sur des terres partiellement améliorées et le mouvement ne se ralentit que lorsque le grand nombre des demandes fit augmenter le prix des propriétés.

« La force numérique de nos compatriotes a augmenté partout dans le district de St-François, mais le comté de Sherbrooke est le seul où ils aient réussi depuis à obtenir la permission de se faire représenter à Québec, où ils ont la majorité, tandis qu’un Anglais les représente à Ottawa, où notre élément aurait tant besoin de renfort.

« Dans d’autres comtés, on a pu déplacer la majorité anglaise, mais on a tellement habitué les gens à avoir le cou sous l’aile, qu’ils croiraient commettre un crime en donnant chance égaie à l’un des leurs contre un Anglais. On a vu, par exemple, en 1891, les comtés unis de Richmond et Wolfe, malgré leur majorité française, préférer un Anglais obscur à l’honorable Wilfrid Laurier, l’illustre chef du parti libéral.

« Résultat de l’esprit de parti, direz-vous. Vous n’y êtes pas. Si le libéral eut été une nullité anglaise et si le conservateur eut été un Franco-canadien aussi distingué que M. Laurier, le libéral aurait certainement été élu.

« Ce ne sont pas là de vaines suppositions. N’a-t-on pas vu, dans une autre circonstance, la même circonscription électorale préférer un libéral anglais, M. Aylmer, que ses plus chauds partisans considéraient avec raison comme un homme très ordinaire, à M.