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PIERRE QUI ROULE

« Tarte a bien ses défauts, ou plutôt il a un certain nombre de défauts inhérents au politicien du Canada ; mais enfin, c’est un tempérament. Il trouve moyen d’être original même lorsqu’il suit les sentiers battus. S’il eut été laissé à lui-même, qui sait si sa puissante intelligence et les instincts généreux de sa nature impulsive ne l’auraient pas invariablement poussé à épouser la cause de ses compatriotes ?

« Malheureusement, il s’est montré parfois plutôt politicien habile que patriote intransigeant. Quelques-unes de ses volte-face lui font honneur ; il y en a d’autres dont l’opportunité au point de vue national était plus que douteuse. Quoi qu’il en soit, Tarte se distingue de la plupart des politiciens arrivés, en ce sens qu’il n’est pas banal. Lorsqu’il fait un discours, on sent que c’est un penseur qui parle. Il a presque toujours signé ses écrits ; mais ceux qui l’ont quelque peu suivi n’ont pas besoin de cela pour le reconnaître.

« Lorsqu’on lit Tarte, on voit que quelqu’un a tenu la plume et ce quelqu’un est facile à deviner pour quiconque est au courant de sa manière de faire.

« M. Tarte s’était déclaré indépendant dans le numéro prospectus des Laurentides. En dehors des articles destinés à défendre les auteurs du scandale des Tanneries, il s’était conformé assez fidèlement à ce programme. Lorsque je ressuscitai le journal, je réitérai ses promesses d’indépendance. Le village de Saint-Lin, devenu depuis la ville des Laurentides, n’a plus de journal et il n’en aura pas besoin d’ici à longtemps.

« Trois mois après mon arrivée à cet endroit, je cédais le journal à M. Louis Bélair, mon prote, aujourd’hui chef d’atelier à l’Union de Saint-Hyacinthe. Au bout de quelques mois, M. Bélair eut la douleur de voir redescendre au tombeau ce Lazare de la presse canadienne que j’avais momentanément ressuscité.