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PIERRE QUI ROULE

— Ah ! ben mon Guieu Seigueur guienque trois p’tites pétaques !

Les incidents de ce genre étaient heureusement très rares ; mais il s’en produisait assez d’autres pour entretenir et égayer les conversations. Le père Mailloux avait prêché une retraite de tempérance et distribué des croix à tous les chefs de famille. Le digne curé, M. Augustin Lemay, avait lieu de se féliciter de l’excellente tenue de ses paroissiens.

L’ÉDUCATION DE QUÉQUIENNE

Le curé s’intéressait beaucoup à Quéquienne et celui-ci le lui rendait bien. Seulement, il n’aimait pas à se hasarder trop près du presbytère, vu qu’il y avait là des oies qui le poursuivaient de leurs sifflements et le menaçaient de leurs longs becs plats. Il y avait aussi un gros coq-d’inde qui étalait les rubis de sa gorge et vociférait des glou… glou qui n’avaient rien de particulièrement attrayant. M. Lemay appelait parfois Quéquienne, lui recommandait de ne pas avoir peur des volailles et l’embrassait. Quéquienne s’essuyait, sans se douter le moins du monde de l’indélicatesse du procédé.

D’abord intimidé, il finissait par répondre avec assez de volubilité aux questions que le curé s’amusait à lui poser. Pour Quéquienne, le curé était un être surnaturel, un saint homme à qui l’on devait parler comme si l’on s’adressait à Dieu même. Cela nuisait un peu à la spontanéité de ses réponses qui, cependant, dénotaient chez lui une précocité peu ordinaire.

C’est qu’on était éduqué avec soin chez la famille Quénoche. Les expressions vulgaires y étaient bannies de la conversation. Le père et la mère étaient pieux, intelligents, et ne donnaient que de bons ex-