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comme d’abus a commencé d’être en usage du temps de Philippe de Valois, lorsque Pierre de Cugières, son Avocat-Général, se plaignit des entreprises que faisoient les Ecclésiastiques sur les personnes & la Justice séculières. Au lieu d’appeler des usurpations, des entreprises du Juge épiscopal, on se servit du terme d’abus, comme le moins dur, pour exprimer qu’il abusoit de son autorité. Pour se venger de Pierre de Cugnières, les Chanoines de Notre-Dame firent mettre au côté du chœur un petit marmot, que par dérision ils appelèrent Pierre de Cugnet. Le Clergé étoit alors si redoutable, que les laïques n’eurent pas tout d’un coup la hardiesse de reprendre leurs droits. Enfin, François I par son ordonnance de 1539, sapa les fondemens de la Jurisdiction ecclésiastique ; & le remède des appels comme d’abus a été si fréquemment mis en usage, que la puissance royale se trouve rétablie dans tout son lustre, & remise en possession de toute son autorité. Voyez Pasquier dans toutes ses Recherches, Liv. 3, C. 33. Févret, Avocat de Dijon, a fait un fort beau volume de l’appel comme d’abus. Les appellations comme d’abus ne se relevent qu’au Parlement, et ne se plaident qu’à la Grand’Chambre, suivant l’édit de 1606 & 1610 : les appels comme d’abus devroient être scellés au grand Sceau ; mais en conséquence d’un renvoi de M. le Chancelier le Tellier en 1678, on les prend au petit Sceau, en y attachant une consultation de trois Avocats. On appelle comme d’abus de l’exécution du Rescrit du Pape, & non du Rescrit même, pour ne blâmer que l’Impétrant ; mais on appelle comme d’abus de l’octroi d’un Evêque, ou de la sentence d’un Official. Quand on dit, Le Parlement a jugé qu’il y avoit abus ; cela signifie que le Parlement a jugé que l’appel comme d’abus a été bien interjeté, & que le juge a excédé son pouvoir Acad. Fr.

☞ ABUSAÏD. Montagne d’Afrique, dans la province de Ténez, & de la dépendance de la ville de ce nom.

ABUSER. V. n. Faire un mauvais usage de quelque chose. Abuti. Il ne faut pas abuser des sacremens ; abuser de la bonté de Dieu. Il n’y a rien de si saint, dont la malice des hommes ne puisse abuser. Port-R. Alexandre tua Clitus qui avoit abusé de sa patience. Vaug. Que seroit-ce que justice & piété, que des noms vains dont on abuse, si après cette vie il n’y a plus rien à espérer ? Gomber. Ce Magistrat abuse de sa charge, de son pouvoir, de son Autorité, quand il en use pour ses intérêts particuliers.

Abuser, signifie encore, Interpréter mal la pensée de quelqu’un, & y donner un mauvais sens. Vous abusez de quelques paroles ambiguës qui sont dans ses lettres. Pasc. Les hérétiques abusent de l’Ecriture, ils en corrompent le sens. Abuser de l’Écriture, c’est aussi en faire de mauvaises applications.

Abuser, v. a. Signifie aussi, tromper, séduire. Fallere, decipere. Les faux prophètes, les charlatans, abusent les peuples. Notre amour propre nous abuse, nous fait suivre nos passions, qui nous abusent, qui nous trompent.

Il conçoit le néant des objets qui l’abusent :
Il gémit sous sa chaîne, & n’ose la briser. Breb.

Quand l’amour est ardent, aisément il s’abuse.
Il croit ce qu’il souhaite & prend tout pour excuse. Corn.

Abuser, a. signifie plus particulièrement, suborner une femme, corrompre, séduire une fille, lui arracher les dernières faveurs, Vitiare, comprimere. Il faut être bien malhonnête homme pour abuser de la femme de son ami, pour abuser de la fille de son hôte. Etoit-il juste d’emprunter mon nom & ma ressemblance, pour abuser de ma maîtresse. Ablanc. On s’en sert aussi dans un cas encore plus odieux. On dit que Néron avoit abusé plusieurs fois de Britannicus. Ablanc.

Abusé, ée. part. Falsus, deceptus, corruptus, vitiatus, compressus.

ABUSEUR. s. m. Qui abuse, qui séduit, qui trompe, trom-


peur. Deceptor, veterator. Mahomet a été un grand abuseur de peuples. Ce terme ne peut être employé que dans le discours familier.

☞ Un Réfugié de Hollande a dit : Ils ont été séduits par les esprits abuseurs, pour établir le culte des démons. Ce mot n’est pas françois, & ces écrivains réfugiés n’étant pas des auteurs classiques en notre langue, & ils ne sçauroient autoriser les mots qu’ils forgent, ou qu’ils emploient sans sçavoir l’usage & contre l’usage.

ABUSIF, ive. adj. Où il y a de l’abus. Abusivus, Errori obnoxius. Une union de Bénéfice sans cause véritable & importante est abusive. Un jugement d'Official contre un Laique, & pour cause profane, est abusif. En termes de Grammaire, prendre un mot dans un sens abusif, c'est le placer mal ; c'est en faire une mauvaise application ; c'est le prendre improprement, impropriè, contra usum & loquendi consuetudinem.

☞ ABUSION. s. f. Vieux mot. Abus, erreur, fausse démarche, mauvaise conduite. Abusus, error, allucinatio.

Parquoi concluds que c’est abusion
Qui d’aucun mal donne l’occasion. Marot.

Lui-même fait mal & abusion. Id.

Parquoi concluds que c’est abusion
D’être amoureux. Marot. Rond. 35.

ABUSIVEMENT. adv. d’une manière abusive. Abusivè, per abusum. La Cour, en infirmant les sentences des juges de l’Eglise, prononce : Mal, nullement, & abusivement jugé. Il y a plusieurs mots de la langue qu’on prend quelquefois abusivement, qu’on dit improprement.

ABUTER. v. n. Terme de joueur de quilles. C’est tirer à qui jouera le premier, en jetant chacun une quille vers la boule, en sorte que celui dont la quille est la plus proche de la boule, ait l’avantage de jouer le premier. Sortiri, experiri quis prior ludat. On abute avant que de jouer aux quilles. On a abuté, & je suis le premier. On abute de même au jeu de palets & autres.

Ce mot est formé de la préposition Françoise à, qui, dans la composition, se met souvent pour la préposition Latine ad, & a sa signification, & du mot François but, tirer au but.

ABUTILLON, s. m. ou guimauve de Théophraste, s. f. Abutilon. Plante annuelle qui s’éleve depuis deux pieds jusqu’à cinq. Ses tiges sont droites, rondes, revêtues de duvet, branchues & garnies de feuilles drapées, blanchâtres, taillées en forme de cœur, semblables, par leur figure, à celle du tilleul ; mais bien plus grandes, & portées sur des pédicules qui ont quelquefois plus de demi-pied de longueur. Ses fleurs sont semblables à celles de la guimauve ordinaire, mais elles sont jaunes. Son fruit est une tête aplatie ordinairement par-dessus, cannelée & composée de plusieurs graines membraneuses, assemblées autour d’un poinçon. Chaque graine, en s’entr’ouvrant, laisse tomber des semences taillées en forme de rein. Ces semences sont adoucissantes, & recommandées pour la gravelle. L’écorce des tiges sert aux Îles de l’Amérique pour faire des cordages.


ABY.

ABYDE, ou ABYDOS. Abydus & Abydon. Ville maritime de Phrygie, vis-à-vis de Sestos, dont elle n’est éloignée que de sept stades ; c’est-à dire d’environ une bonne demi-lieue. Si l’on en croit Virgile, on y pêchoit des huîtres. I. Georg. V. 207. C’étoit la patrie de Léandre. Les habitans d’Abydos étoient mous & efféminés. On disoit proverbialement : Ne touchez pas sans précaution à Abydos, pour signifier, qu’il faut éviter la compagnie des gens débauchés.

On disoit encore en proverbe, un banquet d’Abyde ; pour marquer un festin fâcheux ; parce que c’étoit une coutume parmi les habitans d’Abydos de porter leurs enfans autour de la table, quand ils faisoient un festin, afin qu’on les baisât. Abydos a eu un Evêque suffragant de l’Archevêque de Lampsaque. Abydos & Sestos sont aujourd’hui ce que nous appelons les Dardanelles dans le


détroit